Emigration des basques aux Etats-Unis

Pour être un authentique Basque, trois conditions sont nécessaires : avoir un nom sonnant basque, parler la langue d’Aitor, et… avoir un oncle en Amérique”, écrivait Pierre Lhande dans son ouvrage référent, L’émigration basque (1910). Si elle prête à sourire, c’est sans doute parce que la formule raisonne encore aujourd’hui de manière particulière en chacun. Mais au fond, qui oserait la contredire ? Ils seraient près de 10 millions, ces descendants de Basques qui continuent de faire vivre leur langue et leur culture à travers le monde.


“Peuple de marins, les Basques ont toujours été attirés vers les terres lointaines”, s’accordent à dire tous les récits. Très vite, le continent des Amériques, neuf et plein de promesses, tiendra une place toute particulière. S’il est difficile d’établir une linéarité des mouvements migratoires du Pays Basque vers les Amériques sur près de cinq siècles, quelques grandes étapes se distinguent : la conquête et la colonisation, les compagnies commerciales du XVIIIe siècle, et la “Ruée vers l’or” du milieu du XIXe siècle.

C’est à ce moment-là qu’un véritable coup d’accélérateur est donné au phénomène, jusqu’à atteindre son paroxysme à l’heure où éclate la Première Guerre mondiale.
Freiné par la crise économique et les restrictions liées à l’état de guerre, l’émigration de masse ne reprendra plus qu’après la Seconde Guerre mondiale, pour s’essouffler à nouveau (définitivement ?) dans les années 1970.




Différentes sources évaluent à environ 100 000 le nombre de départs du Pays Basque Nord entre 1830 et 1914 (dont un tiers de femmes) et à plus de 50 000 pour le Sud de 1860 à 1950. L’émigration clandestine est quant à elle très difficile à évaluer. Ce dont nous sommes sûrs, en revanche, c’est qu’aux Etats-Unis, l’immigration basque se déclenche plus tard qu’en Amérique latine. En 1848-1849, la découverte de l’or en Californie attire en priorité les Basques déjà immigrés en Amérique du Sud avant de se généraliser peu à peu à ceux du Pays Basque, facilitant du même coup l’accueil et l’intégration des nouveaux venus dans les années à venir.





“Rejoindre un frère, une sœur, un parent, échapper au service militaire etc. […] Il était plus facile, à cette époque, pour un Basque de Haute Soule de se rendre aux Etats-Unis qu’à Bordeaux par exemple”, avance l’historienne Argitxu Camus. Parmi les principales raisons du départ, on compte la hausse démographique, la pauvreté, ou encore le droit d’aînesse – lorsque l’aîné “héritier” ne pouvait ou se refusait à vendre tout ou partie du domaine familial pour doter ses frères et sœurs. Le rôle des agents de voyage a lui aussi été décisif dans l’enrôlement des jeunes Basques vers le Nouveau Monde. “Ils vendent du rêve et profitent de l’analphabétisme”, écrit Michel Francisque (Le Pays Basque, sa langue, ses mœurs, 1983), pour qui “les dupes et crédules forment au moins une grosse moitié de l’émigration entière”.
D’autres raisons plus personnelles, “dues à des fâcheries, des litiges avec la justice, aux dettes cumulées ou à la frustration de ne pas être propriétaire” sont également avancées pour expliquer un tel choix. Et, en dernier recours, c’est l’atavisme ou l’esprit d’aventure qui sont posés sur la table des facteurs explicatifs. Considérée comme relevant d’un certain romantisme, cette hypothèse est néanmoins récurrente dans les écrits sur la diaspora. Benoît Etcheverry s’interroge : “Après avoir vu à travers les siècles ce défi permanent des Basques à vouloir braver l’horizon cet esprit ultramontain ne provient-il pas d’un certain inconscient collectif ?”. Michel Francisque lui, parle d’“une catégorie de gens très nombreux parmi les Basques : les ambitieux, les esprits aventureux pleins de témérité et d’audace aimant à jouer leur tout, confiant en eux-mêmes et dans l’avenir”.

Enfin, l’assurance d’une plus grande indépendance dans un pays encore mal administré aura achevé de convaincre encore quelques milliers d’immigrés basques. Quelle que soit la raison, tous partent avec espoir de retour et désir de recouvrer ou d’acquérir un pécule suffisant grâce aux bénéfices faits outre-mer pour revenir propriétaires.


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